Les ONG accordent trop d’aide aux journalistes et pas assez au management et au marketing des médias. C’est le constat de Michel Colin, consultant à la Fondation Hirondelle, spécialisé dans la génération de revenus pour les radios. Entretien, par Dominique Jaccard.
Dominique Jaccard : Comment les petites radios privées et communautaires africaines génèrent-elles des revenus pour pouvoir fonctionner ?
Michel Colin : Elles attendent beaucoup de la coopération internationale. Pour elles, l’objectif c’est de trouver un bailleur de fonds. En dehors de ça, peu d’efforts sont faits. En règle générale, on attend que l’argent arrive, soit par un donateur, soit par les autorités locales pour passer des communiqués, soit par des auditeurs qui veulent aussi passer leurs propres communiqués à l’antenne. Les radios essaient de définir un tarif, mais c’est très mal organisé. En gros, la règle c’est que quand il y a de l’argent, on accepte de faire ce qu’on nous demande.
DJ: Des ONG aident-elles ces radios à se professionnaliser dans le management et le marketing ?
MC : Assez peu. C’est un constat que j’ai fait au fil des années. Peu d’ONG sont impliquées sur le terrain dans la pérennisation des radios. La plupart des ONG consacrent depuis très longtemps beaucoup de moyens et de formation aux journalistes. Et pour la pérennisation, pratiquement rien du tout. Les radios communautaires se retrouvent parfois avec beaucoup plus de journalistes qu’il n’en faudrait pour leur radio et surtout pas assez de personnes pour aller générer des revenus. L’autre aspect que je trouve
dramatique dans certains pays, c’est que ces journalistes, parfois obligés de se convertir au marketing par la force des choses, font des erreurs déontologiques énormes, parce qu’ils ne font pas vraiment la différence entre leur déontologie de journaliste et le fait d’aller chercher de l’argent.
DJ : Quelles solutions voyez-vous ?
MC: Le problème, qui est assez universel, c’est que le succès commercial d’une radio dépend directement de son management. La priorité, c’est de former des managers, parce que tant que le manager de la radio n’a pas pris la décision de gérer sa station comme une entreprise, même si c’est une association ou une radio communautaire, il ne pourra pas se passer grand-chose. Parfois on forme des acquisiteurs de publicité qui ont de vraies compétences commerciales sur le terrain et qui se heurtent à une administration de leur radio qui n’est pas compatible avec ce qu’ils veulent faire. On ne leur donne pas de moyens : ils n’ont pas de voiture, pas d’unité pour téléphoner, quand ils ont vendu de la publicité on ne la passe pas à l’antenne… Le marketing et la publicité, c’est un concept nouveau pour beaucoup de gens en Afrique, donc il faut le leur expliquer. Par contre une fois qu’ils ont compris cela peut aller très vite. La priorité des priorités, c’est d’aider les managers à faire le choix d’aller dans cette direction là et de s’en donner les moyens.
Source : « Quoi de neuf » la news letter de la Fondation Hirondelle / N° 39 – Décembre 2012
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L’article sur le site de la Fondation Hirondelle