L’autonomie, l’indépendance, la viabilité financière, puis le développement des radios communautaires demandent une prise de conscience de la part de leurs dirigeants. C’est à eux en priorité que s’adressent ces quelques conseils. A celles et ceux qui ont la volonté de construire des fondations solides et de développer leur radio, que le contexte soit urbain ou rural.
En continuant de dépendre de l’aide de bailleurs de fonds, vous prenez le risque qu’un jour ou l’autre votre radio se retrouve en péril. Le soutien des bailleurs de fonds n’est pas éternel. Vous pouvez continuer à espérer qu’un bailleur succèdera toujours à un autre bailleur mais vous faites prendre un risque vital à la pérennité de votre radio. Si vous souhaitez construire un avenir plus sûr pour votre station, son personnel, ses auditeurs, vous devez engager un processus de pérennisation au plus vite.
Dédicaces payantes en direct du centre ville de Monrovia (Liberia)
Votre stratégie de pérennisation doit d’une part veiller à réduire les dépenses à l’essentiel et d’autre part chercher à développer toutes les opportunités de ressources légales possibles.
Le premier poste de dépenses qu’il faut maîtriser est souvent celui de l’énergie. L’alimentation en carburant de votre générateur conditionne la durée de vos émissions quotidiennes et par conséquent la fidélité de vos auditeurs et annonceurs. En priorité, il faut trouver une solution alternative à l’achat de carburant qui ne profite qu’aux entreprises pétrolières. Le boeuf qui tourne, la production de carburant à base d’huile de palme, les panneaux solaires, devraient être des solutions à étudier si vous ne disposez pas d’alimentation électrique stable.
Le boeuf qui tourne (source rfiplanetradio.org)
Le loyer est généralement une ligne comptable lourde. Investissez dans l’immobilier ! Construisez votre local ou négociez avec des autorités, entreprises, ONG, avec votre communauté, pour la mise à disposition gratuite d’un container ou de locaux inutilisés.
Les charges salariales arrivent souvent en tête dans le budget d’une radio communautaire qui paie ses employés. Dans une stratégie de pérennisation, il faudra vous poser la question de savoir qui est indispensable au bon fonctionnement de votre projet de radio. N’avez-vous pas trop de personnel ? On constate qu’il y a généralement trop de journalistes et pas assez de marketeurs pour assurer la survie de votre station.
Enfin, il est indispensable que tous les flux d’argent entrants arrivent dans la caisse de la radio et non dans les poches du personnel. La corruption («coupage» en RDC) est totalement incompatible avec la génération de revenus.
Une radio organisée comme une équipe qui gagne
Pour développer des revenus, il faudra du personnel pour s’en occuper. Vous devez organiser votre station comme une équipe qui gagne. Comme une équipe de foot, chacun à son poste en fonction de sa compétence. Trop de polyvalence est un risque qu’il faut limiter.
Sans marketing, pas de pérennisation solide. Suivant la taille et le budget de votre radio, il faudrait déployer sur le terrain une force de frappe de plusieurs commerciaux ou chargés de développement. Leur rôle n’est pas d’attendre que le client viennent à la radio. Au contraire, le travail d’un commercial est d’aller prospecter chaque jour, de visiter des clients, d’aller chercher les marchés là où ils sont.
Steve Kamba, marketeur de la radio communautaire RCK à Likasi (RDC) en prospection sur le terrain
Diversifiez les sources de revenus
Les recettes purement publicitaires d’une station communautaires sont généralement limitées par la législation nationale. Il s’agit donc de trouver d’autres financements que la publicité commerciale. Il faut multiplier les sources de revenus et privilégier les activités qui ne génèrent pas de frais supplémentaires et font appel aux ressources internes de la radio. Dans les limites de la législation il faut développer :
La publicité commerciale :
- les spots publicitaires pré-enregistrés et messages parlés lus en direct
- le sponsoring d’émissions, de jeux
- les publi-reportages
Les revenus liés à l’antenne :
- les communiqués d’auditeurs, d’associations, d’autorités et institutions
- la co-production d’émissions, de programmes, les pages magazine
- les dédicaces
- les retransmissions en direct depuis un événement
Les revenus hors antenne :
Sonia Mackotoua, responsable commerciale de Radio Ndéké Luka à Bangui - RCA
Les autres formes de revenus annexes les plus souvent exploitées :
- cyber, partage de connexion Internet
- alimentation électrique, recharge de téléphones…
- bureautique (photocopies, saisie de texte, scans, e-mails)
- prise de photos numériques, portraits et impressions de photos
- service de rédaction, de traductions (dialectes…)
- formation informatique et Internet (Windows, Word, Excel, Google, Facebook…)
- reportages vidéo (mariage, événement, cérémonie…)
- location de matériel (chaises, tables, sonorisation…)
- agriculture, jardinage
- pisciculture, élevage (porcs, poulets, vaches, chèvres…)
- organisation d’événements (kermesse, concert, spectacle, rencontre sportive…)
- animation d’événement (Dj, présentateur…)
- vente de pagnes, T-shirts
Des radios communautaires africaines ont engagé au fil des années un processus de pérennisation avec succès. (Ecoutez l’histoire de Néron Nkata de la radio Vuvu Kieto au Bas Congo). C’est une question de volonté, de stratégie, de rigueur dans l’organisation. Tout est possible, y compris dans les zones rurales les plus enclavées. L’émetteur de la radio est à lui seul une valeur précieuse, un outil productif, un atout de communication incontournable, un levier de développement économique puissant. Il faut apprendre à l’utiliser efficacement pour générer les revenus nécessaires à la survie et à la prospérité de votre radio.
Michel Colin
Consultant international, expert en marketing radio, formateur.
www.radiopubafrica.com